- Parlez !
-. …
-. Plus fort, s’il vous plaît.
-. …
-. Plus fort. Et mettez-vous dans la lumière.
-. Je n'ai pas fait mon devoir. Je suis un être faible, j'ai bafoué la loi. Je n'ai pas d'excuse, je ne cherche pas à éviter la colère du ciel. Je veux m'accuser. J'ai longtemps marché sur le chemin de la vie comme un ignorant. Marché comme un insensé qui croit à l'innocence des hommes et des femmes. Puis, un jour, regardant l'une d'elle qui passait, je vis la poussière sortir de ses flancs. On aurait dit que, vivante, elle marchait pourtant au milieu de ses propres cendres, déjà morte, hideuse dans l'éclat malfaisant de ses attraits. Ce jour-là, je sentis que je n'étais plus le même. Toute faiblesse m'avait quitté. Une force marchait avec moi, me battait le cœur, somptueuse, frémissante de fureur. La nuit, cette force me poussait hors de chez moi. Lorsque le hasard portait à ma narine une odeur de femme, la force bondissait, je vacillais sous l'ébranlement et le ciel se chargeait de courroux. Je crus deviner la vérité : ce que je sentais me battre les côtes était le sexe de Dieu. Il frappe à ma porte ! Il veut que je l'accueille ! Que tout mon corps soit sa demeure ! Et comme pour éradiquer le dernier doute, voici que s'ouvrent les cieux. Fougueux parmi les musiciens célestes, voici un cheval blanc dont le hennissement me dit oui, oui, toi le minuscule, tu as été choisi pour donner chair à la chair de Dieu. Je tombe à genoux. Saisissant mon membre à deux mains, je m'agite dans le zèle d'un incroyant nouvellement converti, et bientôt je lance des flots de semence à la face de la terre. Dieu goûte ma semence du bout de la langue, et voyant que mon sperme était bon, il dit alors « Je suis mécontent des hommes, ils forniquent au lieu de procréer. A partir de ce jour, le corps des femmes ne connaîtra plus l'accouplement impur avec les mâles de la terre, car à partir de ce jour, toutes les femmes de la terre n'auront plus pour amant que le sexe de Dieu. » Et j'étais le sexe de Dieu. Moi, j'étais le sexe de Dieu! J'étais un soldat. J'avais une mission, je devais engrosser le monde. J'en vis une qui passait. Une de ces filles dont on se dit que le diable habite entre ses jambes. Je l'entraînai dans un coin et je lui dis « Femme, il faut te soumettre, car ce que je tiens caché dans mon pantalon, c'est le glaive de Dieu et le glaive de Dieu cherche un bon fourreau ». Mais la femme résiste, et il faut que je la frappe pour qu'enfin elle m'écoute. Oui, Seigneur, à ce moment-là, j'étais encore dans l'innocence, l'envie de la faute n’est venue qu’après. Je le jure. Je le jure avec toute la soumission dont je suis capable. C'est en voyant la bouche de la diablesse que l'idée me vint. Elle avait les lèvres entrouvertes. Il m'a semblé qu'avant d'ensemencer son corps, il était de mon devoir de purifier les orifices inféconds. J'ai cru que cette pensée était bonne et qu'elle était mienne, mais je vois bien aujourd'hui que c'était une mauvaise pensée et qu'elle venait du Malin. L'éclat de la bouche, c'était Lui ; et les larmes qui mouillaient cette bouche, la faisant plus désirable, c'était encore Lui. Et voici ce qu'il advint : maintenant que je m'approchais de cette bouche, que je n'étais plus que le sexe de Dieu châtiant de son divin prépuce le visage de l'impénitente, celle-ci, plus sacrilège que jamais, serra les dents avec une arrogance inouïe comme il arrive que les méchants le fassent avec la sainte hostie. Dieu dans le ciel se mit à crier, - aie, imbécile! -. La fille en profita pour s'enfuir, et j'ai bien perçu que le rire de l'enfer accompagnait sa course. J'étais dans l'épreuve. J'avais échoué dans ma mission. Dieu sur la croix n'avait pas épargné sa douleur, il ne voulait pas épargner la mienne. Il se retira brutalement de moi. Il me rejeta. J'étais exténué. Comme le Crucifié, j'aurais pu clamer moi aussi: « père, père, pourquoi m'as-tu abandonné ? ». Je me suis couché sur le flanc, j'ai dit : maître, je suis un mauvais serviteur, j'ai démérité de la confiance que tu mettais en moi, j'attends maintenant le châtiment que tu voudras bien m'infliger. Mais la mansuétude du Seigneur est grande. Il a broyé ma faute dans le pressoir de sa clémence. J'entendis sonner des trompettes, le Très-Haut ouvrit la nuée, son visage était grave et, autour de lui, les ailes des anges bruissaient de respect. Lui, se frottant délicatement le gland, me dit « Mon fils, tu m'as fait mal. Mais ne sois pas abattu. Qu'au fautif repentant, une seconde chance soit donnée : va dans la ville, va ! Observe les femmes. Une sera assise près de toi. Elle se tiendra en silence sur la crête de ta parole, attentive à ton verbe, secrètement désireuse d'une pâmoison infinie : celle-là, je te le dis, sera la prochaine victime.