Incroyable ! Sais-tu que le grand Bertolt Brecht est enterré dans un cercueil d’acier ? Ne trouves-tu pas ça étrange ? Est-ce que je déraille si je dis que cette ultime volonté traduit un refus désespéré de disparaître à jamais ? La mort de chacun n’est-elle pas pour chacun le plus grand scandale ? Bertolt Brecht ne désirait pas seulement survivre par ses œuvres, il voulait aussi, de toute la force d’un cercueil d’acier, survivre en tant que personne, peux-tu le comprendre ? Où est le fou qui peut sereinement envisager sa disparition totale ? Envisager de ne figurer sur aucune page mémorielle, même pas dans le regret de celui qui l’a aimé, ou à défaut dans la haine de celui qui l’a haï. L’amour est une mémoire et la haine est une mémoire. Celui qui ne part ni dans l’amour ni dans la haine ne meurt-il pas deux fois ? La disparition de la disparition n’est-elle pas la pire des disparitions ?