Tu as cessé d’être un interlocuteur pour moi, nous n’avons plus de monde commun. Je n’ai rien appris de toi, rien. Tu es sans contenu, sans matière. Tu m’as jeté sur le boulevard du conformisme, marche, tu as dit, marche, ne te retourne pas, ne t’arrête à rien, et profite. Mais de quoi, bon dieu ? Profiter de quoi ? Je veux être une énergie, moi. Pas une profiteuse. Avancer, bousculer, renverser, révolutionner. Et ton profit, garde-le, si ça te chante. La vérité est que nous sommes des malades. On s’imagine en bonne santé, on se trompe, nous sommes des malades. Nous n’avons plus de vrais gestes, nos mots sonnent creux, nous sommes des vaches avec des clochettes au cou, le bruit qu’on fait sert juste à nous repérer, à nous localiser dans le grand marécage du mensonge. Nous échangeons du rien contre du rien, nous piétinons, nous remplissons nos oreilles d’impuissance. Et le cœur est tout confiné dans des petits sentiments, des joies médiocres, des émotions de carton-pâte. J’ai 20 ans et une vie molle devant moi, ça me fait crever.