-. Bonjour, ce serait pour une retouche, mais je n’ai pas de rendez-vous. Dites, ça ne va pas fort, on dirait.
-. Non, ça ne va pas fort. Ce matin, je bondis du lit comme une petite joie qui ne veut pas rester inactive ! Imaginez-moi le corps bronzé et du soleil plein les cheveux. Donc, en joyeux pinson, je descend, j'ouvre le volet du salon, les gestes habituels, quoi ! La porte d'entrée était grande ouverte, je range quelques factures et quand je me retourne il est là. Je devrais dire ils sont là. C'était un vagabond avec un chien. Le chien a la gale, l'homme n'a pas d'âge. Ils sont usés jusqu'à la corde, la peau est usée, les paupières sont usées, les dents sont usées, Ils sont là, calmement déposés comme un reproche dans mon salon de coiffure. L'homme regardait autour de lui, il a finit par dire au chien "nom de dieu, qu'est-ce que ça pue ici ? T'arrive à comprendre comment ils font pour vivre toute la journée dans une puanteur pareille? " Le chien s'est mis à hurler à la mort. L'homme pissait sur lui, l'urine coulait sur ses pieds par la jambe de son pantalon. Il pataugeait dans sa pisse en répétant « c'est la nature, faut pas la contrarier ». Que pouvais-je faire ? Il n'était pas agressif, il ne demandait rien, il ne voulait rien. J'ai murmuré « partez, monsieur, s'il vous plaît ! » J'étais submergée par un sentiment de honte, mais pourquoi la honte ? C'est lui qui aurait dû avoir honte, pas moi. « Excusez-moi, excusez-moi, c'est tout ce que j'arrivais encore à lui dire ». Je pleurais à chaudes larmes. Et maintenant, c'était lui qui ne comprenait plus rien. "Ça ne va pas, miss? faudrait peut-être que j'appelle quelqu'un ? " Heureusement le policier de quartier passait par là, il l'a fait sortir aussitôt. Après, j'ai offert un verre au policier. Il m'a dit : on en voit de plus en plus, il va falloir que l'autorité agisse. J'ai dit oui, oui, faites quelque chose, et je me suis remise à pleurer. Vous y comprenez quelque chose, vous ?
-. Sais pas, moi, vous me posez de ces questions !