Ça sonne à la porte d’entrée. Ça sonne encore. Je ne réponds pas. Je laisse sonner. Et qui croyez-vous qui sonne : ma mère. Et pourquoi sonne-t-elle comme une enragée ? Pour tenter une fois de plus de reprendre pied dans ma vie. Lettre, téléphone, mail, skype : toute forme de harcèlement est bienvenue pour elle. C’est une femme insubmersible. Plongez-la dans l'eau avec, accrochée au pied, une ancre de deux cents kilos, elle refera surface. Et il en ira ainsi tant que je serai en vie. Sonne, sonne, si tu veux, chère maman, ce sera toujours niet, niet, niet ! J’ai les tympans bouchés, je n’ai plus d’oreilles, je suis royalement sourde ! Pas de passe droit, pas de privilège pour la mère dévorante ? Et je me fous qu’elle soit maintenant sur le trottoir d'en face, oui, là, là, là, plantée dans sa dignité blessée, même un aveugle la verrait. Là, avec sa possessivité blessée et son cou de girafe tendu vers le huitième étage.